Le projet de recherche WE-COOP
Le projet WE-COOP entreprend une analyse intersectionnelle des scripts de la démocratie au travail, en étudiant les rapports de pouvoir et les pratiques émancipatrices dans les coopératives de production (Scop). Son objectif est de contribuer plus largement aux recherches critiques et féministes sur la question sociale du travail. Il est financé par une bourse ERC Starting Grant (2023-28).
Croisant sociologie, science politique et théories critiques, WE-COOP propose de déplacer le regard traditionnellement androcentré porté sur la démocratie au travail en étudiant les expériences des travailleuses dans les Scop en France.
Fondées sur la propriété collective des moyens de production et la redistribution égalitaire des bénéfices générés, les coopératives de production ont été étudiées pour leur fort potentiel de démocratisation des relations au travail. Pourtant, depuis leur développement en tant que mouvement en Europe à partir du XIXème siècle, elles ont été considérées en priorité comme un lieu de lutte des classes, oblitérant les tentatives transversales visant à repenser la justice et l’égalité au travail, notamment (et pas uniquement) au prisme du genre.
L’idée sous-jacente de WE-COOP est que les Scop constituent un terrain de recherche fertile pour creuser en profondeur les rapports de pouvoir sédimentés au travail, notamment (et pas uniquement) de sexe et de genre car, en théorie, la poche d’autonomie relative qu’elles constituent donne aux individus une plus grande capacité à reconfigurer leur travail en fonction de leurs besoins et de problèmes spécifiques.
WE-COOP vise ainsi plus largement à réfléchir à la question de la démocratie au travail et aux possibilités de s’émanciper par et du travail par le biais de la coopération sociale volontaire.
Méthodologie
Une étude inédite des rapports de genre au sein du mouvement coopératif en France & un dialogue avec les expériences coopératives des Suds
Pour des raisons de faisabilité, WE-COOP se concentre sur l’étude de cas de l’écosystème coopératif français qui offre un potentiel de recherche important. Les résultats générés permettront, nous l’espérons, de servir d’exemple probant pour la mise en œuvre d’études similaires dans d’autres pays européens.
Le projet WE-COOP cherche également à développer des collaborations avec des chercheur.euses et activistes qui s’intéressent aux expériences de travail des femmes dans les coopératives de production des pays du Sud Global, dont le développement est basé sur des prémisses historiques, coloniales et d’exploitation capitaliste différentes.
Un protocole de recherche participative
Le projet combine des méthodes de recherche traditionnelles avec des techniques participatives. Nous souhaitons répondre ainsi à deux problèmes méthodologiques : atteindre les objectifs scientifiques de la recherche tout en repensant la manière dont les sciences sociales peuvent produire des connaissances qui profitent à la fois aux cercles institutionnels de la science et aux communautés dans lesquelles la recherche est menée.
Nous proposons ainsi de produire des connaissances scientifiques tout en tissant des collaborations avec les travailleuses qui sont, en tant que groupe social, directement affectées par la recherche et dont l’expérience spécifique peut en retour informer notre cadre méthodologique. Notre approche s’appuie sur les critiques croissantes des méthodes de recherche « extractives » par lesquelles les scientifiques collectent (ou « extraient ») des données pour leur propre bénéfice professionnel sans implication ou résultat positif pour la communauté dans laquelle la recherche est menée.
WE-COOP s’appuie également sur la théorie féministe du point de vue selon laquelle les perspectives individuelles (y compris celles des scientifiques) sont façonnées par les expériences sociales et politiques. Nous soutenons qu’une meilleure compréhension du groupe social des travailleuses dans les Scop nécessite de les inclure à des étapes favorables dans la recherche. Avec notre approche expérmentale, la participation devient un outil pour améliorer la production de connaissances et favoriser l’appropriation, par les travailleuses, de leurs propres histoires et luttes collectives.
